Aujourd’hui, c’est de mon métier en maison d’enfants dont j’aimerais écrire quelques bribes..
Tout commençait il y a 3 ans,
Je recevais un email me demandant si j’étais intéressée pour effectuer un remplacement en maison d’enfants à caractère social.
Je contactai aussitôt le directeur et l’informai qu’il me restait effectivement des disponibilités dans mon agenda.
Le lendemain, j’étais reçue et le jour suivant, je recevais déjà les premiers enfants.
Tout est allé très vite, aussi vite que la temporalité psychique en MECS.
Léon,
Le premier jour dans cette maison, je rencontrai un petit garçon, Léon.
Léon assis sur une marche d’escalier me regardait, il se redressa à mon approche puis me dit : « comment tu t’appelles ? »
Je lui répondis « bonjour, moi je m’appelle Kheira et toi ? ». Léon, ce petit bonhomme au physique trapus, au visage rond, aux yeux clairs et avec ce sourire malicieux, âgé tout au plus de 5 ans me prit la main en m’accompagnant au secrétariat de direction.
De prime abord, je trouvai très attachant et naturel ce comportement, quoique je restai surprise de cette proximité et cette non peur de « l’étrangère » que j’étais.
Léon était le premier lien que je nouais dans cette maison, avant même de rencontrer les professionnels, je venais de rencontrer « Léon » et j’aimais déjà cette maison !
6 mois après,
Je tombai littéralement amoureuse de cette maison d’enfants et j’aimais bien entendu tous les enfants.
Et Léon, de nouveau, me demanda : « tu vas partir et nous laisser ? ».
1 an plus tard,
Je déménageai pour m’installer plus près de cette maison et y travailler pleinement.
C’est une authentique et belle rencontre que j’ai eue avec ce lieu chargé d’histoires et d’émotions.
Une Maison d’Enfants à Caractère Social est une maison d’enfants « placés ». Il s’agit du nom définit pour désigner un « foyer », en d’autres termes un lieu institutionnel accueillant des enfants qui ont besoin d’être protégés car exposés à un/des danger(s). C’est un Juge des Enfants qui prend la décision de « placer » l’enfant.
Je travaille auprès d’enfants âgés de 3 ans à 12 ans.
Je pense avoir l’un des plus beaux métiers, le plus beau d’après moi mais suis-je objective ?! J’accueille des enfants lors de leur arrivée et je les rencontre quotidiennement individuellement et collectivement. Je les accompagne dans le cadre de suivi psychologique et psychothérapeutique et travaille avec des éducatrices et des éducateurs engagés. C’est d’ailleurs dans cette maison que j’ai découvert ce métier « d’éducateur ».
Le travail en MECS est extrêmement prenant psychiquement et physiquement. Ce n’est jamais assez… les enfants sont dans une demande permanente et constante de lien et d’attachement. Nous travaillons la question du manque au quotidien avec ce que nous sommes. Les problématiques abandonniques représentent 90% de notre travail.
Comment travailler dans un environnement où tellement de souffrances se mêlent, s’entremêlent et s’en mêlent ?
Un enfant de 11 ans me disait cette semaine « toi, ce qui est bien, c’est que tu parles la langue des enfants » et il ajouta : « tu sais pourquoi on vient te voir ? ».
Je lui dis « dis-moi »
Il répondit : « toi tu essaies de te mettre à notre place et pourtant tu n’y es pas, tu ne nous grondes jamais et tu nous aides à penser ».
J’essaie régulièrement de maintenir « l’appareil à penser », celui des enfants et le mien !
Penser ma fonction de psychologue et les autres fonctions dans la maison, la place des enfants dans la maison d’enfants, leur place dans la procédure judiciaire, leur place dans leur maison, dans leur famille, dans leur fratrie, auprès de leurs parents … la place, la place, la place ….
Les enfants se mettent à « la place » que nous leur donnons ou celle que nous pensons leur donner puisqu’ils sont « placés ». Ils ont cette capacité inépuisable de pardonner et d’aimer. Ce qui est parfois incompris par les professionnels, comment peut-on aimer un parent qui maltraite ?!
Eh bien par ce que l’enfant aime son parent, il aime « qui il est » et non « ce qu’il fait ». Il différencie le sujet de son comportement. Et puis, il s’agit aussi de la seule figure d’attachement, insécure certes mais sa figure d’attachement, de lien. L’objet d’amour et le lien sont deux aspects différents dans la relation. Certains adultes peuvent aimer mais peuvent avoir de grandes difficultés à maintenir le lien, certains parents sont pères et mères sans pouvoir être papas et mamans.
Au quotidien, nous, professionnels en MECS, parlons de ce qui ne se parle pas, de ce qui ne s’entend pas et de ce que peu de personne supportent de voir.
Il est incroyable de constater à quel point l’être humain est capable de construire ou de détruire.
D’un tempérament optimiste, un tantinet rêveuse, je souffle aux enfants que « tout est possible ! », « qu’ils peuvent y arriver même lorsque les évènements de vie sont douloureux ».
Écouter les besoins des enfants, les accompagner à partir de là où ils en sont et avec ce qu’ils ont, voilà une description d’une partie de mon travail.
Je travaille pour les enfants, avec les enfants.
Kheira Guernan, Novembre 2020